Depuis un mois, le large soleil jette aux champs sa flamme cuisante. La vie radieuse éclôt sous cette averse de feu; la terre est verte à perte de vue. Jusqu’aux bords de l’horizon, le ciel est bleu. Les fermes normandes semées par la plaine semblent, de loin, de petits bois, enfermées dans leur ceinture de hêtres élancés. De près, quand on ouvre la barrière vermoulue, on croit voir un jardin géant, car tous les antiques pommiers, osseux comme les paysans, sont en fleurs. Les vieux troncs noirs, crochus, tortus, alignés par la cour, étalent sous le ciel leur dômes éclatants, blancs et roses. Le doux parfum de leur épanouissement se mêle aux grasses senteurs des étables ouvertes et aux vapeurs du fumier qui fermente, couvert de poules. Lire la suite
Archives pour la catégorie XIXe siècle
UNE SURPRISE
Nous avons été élevés, mon frère et moi, par notre oncle l’abbé Loisel, « le curé Loisel », comme nous disions. Nos parents étant morts pendant notre petite enfance, l’abbé nous prit au presbytère et nous garda.
Il desservait depuis dix-huit ans la commune de Join-le-Sault, non loin d’Yvetot. C’était un petit village, planté au beau milieu de ce plateau du pays de Caux, semé de fermes qui dressent çà et là leurs carrés d’arbres dans les champs. Lire la suite
LE CONDAMNÉ À MORT
Le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable.
En voici un exemple de plus.
Tous les Parisiens, ceux qui rentrent à Paris en cette saison, connaissent ce long chapelet de villes charmantes qui va de Marseille à Gênes. On arrive en ces mignonnes cités en quittant les plages du Nord ; on en part dans les premiers jours d’avril, juste en ce moment ; c’est-à-dire quand elles vont devenir de vrais bouquets, quand toute leur campagne n’est plus qu’un jardin, quand les roses et les orangers fleurissent. Lire la suite
AUPRÈS D’UN MORT
Il s’en allait mourant, comme meurent les poitrinaires. Je le voyais chaque jour s’asseoir, vers deux heures, sous les fenêtres de l’hôtel, en face de la mer tranquille, sur un banc de la promenade. Il restait quelque temps immobile dans la chaleur du soleil, contemplant d’un œil morne la Méditerranée. Parfois il jetait un regard sur la haute montagne aux sommets vaporeux, qui enferment Menton ; puis il croisait, d’un mouvement très lent, ses longues jambes si maigres qu’elles semblaient deux os, autour desquels flottait le drap du pantalon, et il ouvrait un livre, toujours le même. Lire la suite