RIEN DE TROP

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Je ne vois point de créature
Se comporter modérément.
Il est certain tempérament
Que le maître de la nature
Veut que l’on garde en tout. Le fait-on ? Nullement.
Soit en bien, soit en mal, cela n’arrive guère.
Le blé riche présent de la blonde Cérès
Trop touffu bien souvent épuise les guérets :
En superfluités s’épandant d’ordinaire,
Et poussant trop abondamment,
Il ôte à son fruit l’aliment.
L’arbre n’en fait pas moins ; tant le luxe sait plaire.
Pour corriger le blé Dieu permit aux moutons
De retrancher l’excès des prodigues moissons.
Tout au travers ils se jetèrent,
Gâtèrent tout, et tout broutèrent ;
Tant que le Ciel permit aux Loups
D’en croquer quelques-uns ; ils les croquèrent tous.
S’ils ne le firent pas, du moins ils y tâchèrent.
Puis le Ciel permit aux humains
De punir ces derniers : les humains abusèrent
À leur tour des ordres divins.
De tous les animaux l’homme a le plus de pente
À se porter dedans l’excès.
Il faudrait faire le procès
Aux petits comme aux grands : Il n’est âme vivante
Qui ne pèche en ceci. Rien de trop, est un point
Dont on parle sans cesse, et qu’on n’observe point.

Source : Édition Barbin et Thierry (1668-1694) – Livre IX. Texte modernisé.

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