L’HUÎTRE, ET LES PLAIDEURS

[ A+ ] /[ A- ]

Un jour deux Pèlerins sur le sable rencontrent
Une Huître que le flot y venait d’apporter :
Ils l’avalent des yeux, du doigt ils se la montrent ;
À l’égard de la dent il fallut contester.
L’un se baissait déjà pour amasser la proie ;
L’autre le pousse, et dit : Il est bon de savoir
Qui de nous en aura la joie.
Celui qui le premier a pu l’apercevoir
En sera le gobeur ; l’autre le verra faire.
Si par-là l’on juge l’affaire,
Reprit son compagnon, j’ai l’œil bon, Dieu merci.
Je ne l’ai pas mauvais aussi,
Dit l’autre, et je l’ai vue avant vous, sur ma vie.
Et bien, vous l’avez vue, et moi je l’ai sentie.
Pendant tout ce bel incident,
Perrin Dandin arrive : ils le prennent pour juge.
Perrin fort gravement ouvre l’Huître, et la gruge,
Nos deux Messieurs le regardant.
Ce repas fait, il dit d’un ton de Président :
Tenez, la Cour vous donne à chacun une écaille
Sans dépens, et qu’en paix chacun chez soi s’en aille.
Mettez ce qu’il en coûte à plaider aujourd’hui ;
Comptez ce qu’il en reste à beaucoup de familles ;
Vous verrez que Perrin tire l’argent à lui,
Et ne laisse aux plaideurs que le sac et les quilles.

Source : Édition Barbin et Thierry (1668-1694) – Livre IX. Texte modernisé.

VN:F [1.9.22_1171]
Rating: 0.0/10 (0 votes cast)
VN:F [1.9.22_1171]
Rating: 0 (from 0 votes)
Post Popularity 0%  
Popularity Breakdown
Comments 0%  
Ratings 0%  

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *