Archives pour la catégorie XIXe siècle

RENCONTRE

A Édouard Rod.

Ce fut un hasard, un vrai hasard. Le baron d’Étraille, fatigué de rester debout, entra, tous les appartements de la princesse étant ouverts ce soir de fête, dans la chambre à coucher déserte et presque sombre au sortir des salons illuminés.

Il cherchait un siège où dormir, certain que sa femme ne voudrait point partir avant le jour. Il aperçut, dès la porte, le large lit d’azur à fleurs d’or, dressé au milieu de la vaste pièce, pareil à un catafalque où aurait été enseveli l’amour, car la princesse n’était plus jeune. Par derrière, une grande tache claire donnait la sensation d’un lac vu par une haute fenêtre. c’était la glace, immense, discrète, habillée de draperies sombres qu’on laissait tomber quelquefois, qu’on avait souvent relevées ; et la glace semblait regarder la couche, sa complice. On eût dit qu’elle avait des souvenirs, des regrets, comme ces châteaux que hantent les spectres des morts, et qu’on allait voir passer sur sa face unie et vide ces formes charmantes qu’ont les hanches nues des femmes, et les gestes doux des bras quand ils enlacent. Lire la suite

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LE VERROU

A Raoul Denisane.

Les quatre verres devant les dîneurs restaient : moitié pleins maintenant, ce qui indique généralement que les convives le sont tout à fait. On commençait à parler sans écouter les réponses, chacun ne s’occupant que de ce qui se passait en lui; et les voix devenaient éclatantes, les gestes exubérants, les yeux allumés.

C’était un dîner de garçons, de vieux garçons endurcis. Ils avaient fondé ce repas régulier, une vingtaine d’années auparavant, en le baptisant : « le Célibat ». Ils étaient alors quatorze bien décidés à ne jamais prendre femme. Ils restaient quatre maintenant. Trois étaient morts, et les sept autres mariés. Lire la suite

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LE PARAPLUIE

A Camille Oudinot.:

Mme Oreille était économe. Elle savait la valeur d’un sou et possédait un arsenal de principes sévères sur la multiplication de l’argent. Sa bonne, assurément, avait grand mal à faire danser l’anse du panier; et M. Oreille n’obtenait sa monnaie de poche qu’avec une extrême difficulté. Ils étaient à leur aise pourtant, et sans enfants; Mais Mme Oreille éprouvait une vraie douleur à voir les pièces blanches sortir de chez elle. C’était comme une déchirure pour son cœur; et, chaque fois qu’il lui avait fallu faire une dépense de quelque importance, bien qu’indispensable, elle dormait fort mal la nuit suivante.

Oreille répétait sans cesse à sa femme : — Tu devrais avoir la main plus large, puisque nous ne mangeons jamais nos revenus. Lire la suite

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UN SAGE

Au baron de Vaux.

Blérot était mon ami d’enfance, mon plus cher camarade; nous n’avions rien de secret. Nous étions liés par une amitié profonde des cœurs et des esprits, une intimité fraternelle, une confiance absolue l’un dans l’autre. Il me disait ses plus délicates pensées, jusqu’à ces petites hontes de la conscience qu’on ose à peine s’avouer à soi-même. J`en faisais autant pour lui.

J’avais été confident de toutes ses amours. Il l’avait été de toutes les miennes. Lire la suite

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