Elle était morte sans agonie, tranquillement, comme une femme dont la vie fut irréprochable ; et elle reposait maintenant dans son lit, sur le dos, les yeux fermés, les traits calmes, ses longs cheveux blancs soigneusement arrangés comme si elle eût fait sa toilette encore dix minutes avant la mort, toute sa physionomie pâle de trépassée si recueillie, si reposée, si résignée qu’on sentait bien quelle âme douce avait habitée ce corps, quelle existence sans trouble avait menée cette aïeule sereine, quelle fin sans secousses et sans remords avait eue cette sage. Lire la suite
Archives pour la catégorie XIXe siècle
RENCONTRE
Les rencontres font le charme des voyages. Qui ne connaît cette joie de retrouver soudain, à mille lieues du pays, un Parisien, un camarade de collège, un voisin de campagne ? Qui n’a passé la nuit, les yeux ouverts, dans la petite diligence drelindante des contrées où la vapeur est encore ignorée, à côté d’une jeune femme inconnue, entrevue seulement à la lueur de la lanterne, alors qu’elle montait dans le coupé devant la porte d’une blanche maison de petite ville ? Et, le matin venu, quand on a l’esprit et les oreilles tout engourdis du continu tintement des grelots et du fracas éclatant des vitres, quelle charmante sensation de voir la jolie voisine ébouriffée ouvrir les yeux, examiner son voisin ; et de lui rendre mille légers services, et d’écouter son histoire, qu’elle conte toujours quand on s’y prend bien ! Et comme il est exquis aussi, le dépit qu’on a de la voir descendre devant la barrière d’une maison de campagne ! On croit saisir dans ses yeux, quand cette amie de deux heures vous dit adieu pour toujours, un commencement d’émotion, de regret, qui sait ?… Et quel bon souvenir on garde, jusque dans la vieillesse, de ces frêles souvenirs de route ! Lire la suite
UN BANDIT CORSE
Le chemin montait doucement au milieu de la forêt d’Aïtône. Les sapins démesurés élargissaient sur nos têtes une voûte gémissante, poussaient une sorte de plainte continue et triste, tandis qu’à droite comme à gauche leurs troncs minces et droits faisaient une sorte d’armée de tuyaux d’orgue d’où semblait sortir cette musique monotone du vent dans les cimes.
Au bout de trois heures de marche, la foule de ces longs fûts emmêlés s’éclaircit ; de place en place, un pin-parasol gigantesque, séparé des autres, ouvert comme une ombrelle énorme, étalait son dôme d’un vert sombre ; puis soudain nous atteignîmes les limites de la forêt, quelque cent mètres au-dessous du défilé qui conduit dans la sauvage vallée du Niolo. Lire la suite
EN VOYAGE
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- Sainte-Agnès, 6 mai.
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MA CHÈRE AMIE,
Vous m’avez demandé de vous écrire souvent et de vous raconter surtout des choses que j’aurai vues. Vous m’avez aussi prié de fouiller dans mes souvenirs de voyages pour y retrouver ces courtes anecdotes qui, apprises d’un paysan qu’on a rencontré, d’un hôtelier, d’un inconnu qui passait, laissent dans la mémoire comme une marque sur un pays. Avec un paysage brossé en quelques lignes, et une petite histoire dite en quelques phrases, on peut donner, croyez-vous, le vrai caractère d’un pays, le faire vivant, visible, dramatique. J’essayerai, selon votre désir. Je vous enverrai donc, de temps en temps, des lettres où je ne parlerai ni de vous ni de moi, mais seulement de l’horizon, et des hommes qui s’y meuvent. Et je commence. Lire la suite