LE SINGE ET LE DAUPHIN

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C’était chez les Grecs un usage,
Que sur la mer tous voyageurs
Menaient avec eux en voyage
Singes et Chiens de Bateleurs.
Un Navire en cet équipage
Non loin d’Athènes fit naufrage.
Sans les Dauphins tout eût péri.
Cet animal est fort ami
De notre espèce ; En son Histoire
Pline le dit, il le faut croire.
Il sauva donc tout ce qu’il put.
Même un Singe en cette occurrence,
Profitant de la ressemblance,
Lui pensa devoir son salut.
Un Dauphin le prit pour un homme,
Et sur son dos le fit asseoir,
Si gravement qu’on eût cru voir
Ce chanteur que tant on renomme.
Le Dauphin l’allait mettre à bord ;
Quand par hasard il lui demande :
Êtes-vous d’Athènes la grande ?
Ouï, dit l’autre, on m’y connaît fort,
S’il vous y survient quelque affaire
Employez-moi ; car mes parents
Y tiennent tous les premiers rangs ;
Un mien cousin est Juge-Maire.
Le Dauphin dit bien-grand merci.
Et le Pirée a part aussi
À l’honneur de votre présence ?
Vous le voyez souvent ? Je pense.
Tous les jours ; il est mon ami,
C’est une vieille connaissance.
Notre Magot prit pour ce coup
Le nom d’un port pour un nom d’homme.
De telles gens il est beaucoup,
Qui prendraient Vaugirard pour Rome ;
Et qui, caquetants au plus dru,
Parlent de tout et n’ont rien vu.
Le Dauphin rit, tourne la tête,
Et le Magot considéré
Il s’aperçoit qu’il n’a tiré
Du fond des eaux rien qu’une bête.
Il l’y replonge, et va trouver
Quelque homme afin de le sauver.

Source : Édition Barbin et Thierry (1668-1694) – Livre IV. Texte modernisé.

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