LE SINGE, ET LE CHAT

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Bertrand avec Raton, l’un Singe, et l’autre Chat,
Commensaux d’un logis, avaient un commun Maître.
D’animaux mal-faisans c’était un très-bon plat ;
Ils n’y craignaient tous deux aucun, quel qu’il pût être.
Trouvait-on quelque chose au logis de gâté ?
L’on ne s’en prenait point aux gens du voisinage.
Bertrand dérobait tout ; Raton de son côté
Était moins attentif aux souris qu’au fromage.
Un jour au coin du feu nos deux maîtres fripons
Regardaient rôtir des marrons ;
Les escroquer était une très bonne affaire :
Nos galants y voyaient double profit à faire,
Leur bien premièrement, et puis le mal d’autrui.
Bertrand dit à Raton : Frère, il faut aujourd’hui
Que tu fasses un coup de maître.
Tire-moi ces marrons ; Si Dieu m’avait fait naître
Propre à tirer marrons du feu,
Certes marrons verraient beau-jeu.
Aussi-tôt fait, que dit : Raton avec sa patte
D’une manière délicate
Écarte un peu la cendre, et retire les doigts ;
Puis les reporte à plusieurs fois ;
Tire un maron, puis deux, et puis trois en excroque,
Et cependant Bertrand les croque.
Une servante vient : adieu mes gens : Raton
N’était pas content, ce dit-on.
Aussi ne le sont pas la plupart de ces Princes
Qui flattés d’un pareil emploi
Vont s’échauder en des Provinces,
Pour le profit de quelque Roi.

Source : Édition Barbin et Thierry (1668-1694) – Livre IX. Texte modernisé.

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