LE LOUP DEVENU BERGER

[ A+ ] /[ A- ]

Un Loup qui commençait d’avoir petite part
Aux Brebis de son voisinage,
Crut qu’il fallait s’aider de la peau du Renard,
Et faire un nouveau personnage.
Il s’habille en Berger, endosse un hoqueton,
Fait sa houlette d’un bâton ;
Sans oublier la Cornemuse.
Pour pousser jusqu’au bout la ruse,
Il aurait volontiers écrit sur son chapeau,
C’est moi qui suis Guillot Berger de ce troupeau.
Sa personne étant ainsi faite,
Et ses pieds de devant posés sur sa houlette,
Guillot le Sycophante(1) approche doucement.
Guillot le vrai Guillot étendu sur l’herbette,
Dormait alors profondément.
Son chien dormait aussi, comme aussi sa musette.
La plupart des Brebis dormaient pareillement.
L’hypocrite les laissa faire :
Et pour pouvoir mener vers son fort les Brebis,
Il voulut ajouter la parole aux habits,
Chose qu’il croyait nécessaire.
Mais cela gâta son affaire.
Il ne put du Pasteur contrefaire la voix.
Le ton dont il parla fit retentir les bois,
Et découvrit tout le mystère.
Chacun se réveille à ce son,
Les Brebis, le Chien, le Garçon.
Le pauvre Loup dans cet esclandre,
Empêché par son hoqueton,
Ne put ni fuir ni se défendre.

1. Trompeur.

Source : Édition Barbin et Thierry (1668-1694) – Livre III. Texte modernisé.

VN:F [1.9.22_1171]
Rating: 0.0/10 (0 votes cast)
VN:F [1.9.22_1171]
Rating: 0 (from 0 votes)
Post Popularity 0%  
Popularity Breakdown
Comments 0%  
Ratings 0%  

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *