LE LION ET LE RAT – LA COLOMBE ET LA FOURMI

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Il faut autant qu’on peut obliger tout le monde.
On a souvent besoin d’un plus petit que soi.
De cette vérité deux Fables feront foi,
Tant la chose en preuves abonde.
Entre les pattes d’un Lion,
Un Rat sortit de terre assez à l’étourdie.
Le Roi des animaux en cette occasion
Montra ce qu’il était, et lui donna la vie.
Ce bienfait ne fut pas perdu.
Quelqu’un aurait-il jamais cru
Qu’un Lion d’un Rat eût affaire ?
Cependant il advint qu’au sortir des forêts,
Ce Lion fut pris dans des rets,
Dont ses rugissemens ne le purent défaire.
Sire Rat accourut ; et fit tant par ses dents,
Qu’une maille rongée emporta tout l’ouvrage.
Patience et longueur de temps
Font plus que force ni que rage.

L’autre exemple est tiré d’animaux plus petits.
Le long d’un clair ruisseau buvait une Colombe :
Quand sur l’eau se penchant une Fourmi y tombe.
Et dans cet Océan l’on eût vu la Fourmi
S’efforcer, mais en vain, de regagner la rive.
La Colombe aussitôt usa de charité.
Un brin d’herbe dans l’eau par elle étant jeté,
Ce fut un promontoire où la Fourmi arrive.
Elle se sauve ; et là-dessus
Passe un certain Croquant qui marchait les pieds nus.
Ce Croquant par hasard avait une arbalète.
Dès qu’il voit l’Oiseau de Vénus
Il le croit en son pot, et déjà lui fait fête.
Tandis qu’à le tuer mon Villageois s’apprête,
La Fourmi le pique au talon.
Le Vilain retourne la tête.
La Colombe l’entend, part, et tire de long.
Le souper du Croquant avec elle s’envole :
Point de Pigeon pour une obole.

Source : Édition Barbin et Thierry (1668-1694) – Livre II. Texte modernisé.

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