LE CHIEN À QUI ON A COUPÉ LES OREILLES

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Qu’ai-je fait pour me voir ainsi
Mutilé par mon propre maître ?
Le bel état où me voici !
Devant les autres Chiens oserai-je paraître ?
Ô Rois des animaux, ou plutôt leurs tyrans,
Qui vous ferait choses pareilles ?
Ainsi criait Mouflar jeune dogue ; et les gens
Peu touchés de ses cris douloureux et perçants,
Venaient de lui couper sans pitié les oreilles.
Mouflar y croyait perdre : il vit avec le temps
Qu’il y gagnait beaucoup ; car étant de nature
À piller ses pareils, mainte mésaventure
L’aurait fait retourner chez lui
Avec cette partie en cent lieux altérée ;
Chien hargneux a toujours l’oreille déchirée.
Le moins qu’on peut laisser de prise aux dents d’autrui
C’est le mieux. Quand on n’a qu’un endroit à défendre,
On le munit de peur d’esclandre :
Témoin maître Mouflar armé d’un gorgerin ;
Du reste ayant d’oreille autant que sur ma main,
Un loup n’eût su par où le prendre.

Source : Édition Barbin et Thierry (1668-1694) – Livre X. Texte modernisé.

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