LA FORÊT ET LE BÛCHERON

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Un Bûcheron venait de rompre ou d’égarer
Le bois dont il avait emmanché sa cognée.
Cette perte ne put si-tôt se réparer
Que la Forêt n’en fût quelques temps épargnée.
L’Homme enfin la prie humblement
De lui laisser tout doucement
Emporter une unique branche
Afin de faire un autre manche.
Il irait employer ailleurs son gagne pain :
Il laisserait debout maint Chêne et maint Sapin
Dont chacun respectait la vieillesse et les charmes.
L’innocente Forêt lui fournit d’autres armes.
Elle en eut du regret. Il emmanche son fer.
Le misérable ne s’en sert
Qu’à dépouiller sa bienfaitrice
De ses principaux ornements.
Elle gémit à tous moments.
Son propre don fait son supplice.

Voilà le train du Monde, et de ses Sectateurs.
On s’y sert du bienfait contre les bienfaiteurs.
Je suis las d’en parler : mais que de doux ombrages
Soient exposés à ces outrages,
Qui ne se plaindrait là-dessus !
Hélas ? j’ai beau crier, et me rendre incommode ;
L’ingratitude et les abus
N’en seront pas moins à la mode.

Source : Édition Barbin et Thierry (1668-1694) – Livre XII. Texte modernisé.

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